Die konkreten Auswirkungen der Dämonisierung beginnen La France insoumise zu beunruhigen

https://www.mediapart.fr/journal/politique/050424/les-effets-concrets-de-la-diabolisation-commencent-inquieter-la-france-insoumise

Von Folivao

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  1. **Injures à répétition, menaces de mort, intimidations voire agressions physiques : le quotidien d’une partie des responsables insoumis est devenu suffocant depuis le 7 octobre. Dans ce contexte, certains craignent que le mouvement se replie sur lui-même.**

    Le 18 janvier dernier, le public réuni dans le local du Parti ouvrier indépendant (POI), dans le Xe arrondissement de Paris, retient sa respiration. Alors que Jean-Luc Mélenchon, de retour de Beyrouth (Liban), doit intervenir devant des militant·es de La France insoumise (LFI) sur la politique internationale, des slogans hostiles fusent de l’extérieur. « Mélenchon complice des crimes antisémites ! », « Hamas terroriste, LFI complice ! », « Israël vaincra, Israël vivra ! »

    Devant la porte d’entrée, des militants pro-israéliens cagoulés, parfois avec des gants coqués et un brassard orange au bras, brandissent un drapeau israélien et la bannière de l’Unité juive (un lion bleu sur une étoile de David), un groupuscule [qui a revendiqué l’action](https://twitter.com/UniteJuive/status/1748764381557449137) sur le réseau social X. Ils hurlent sur les Insoumis·es qui tentent de se frayer un passage. Un peu essoufflé, Jean-Luc Mélenchon parvient à arriver jusqu’à la tribune : « Finalement, c’était assez dégagé à l’entrée ! », lance-t-il, sarcastique.

    Dans la foulée, le POI [dénonce dans un communiqué](https://twitter.com/POI_officiel/status/1748386404076331077) une « tentative d’agression » dans un contexte où « les exactions contre les organisations et militants ouvriers se multiplient ». « Sans tomber dans quelque provocation que ce soit, le POI saura, comme c’est sa tradition, faire face à ces tentatives », prévient le parti héritier du courant trotskiste lambertiste, membre de LFI.

    L’affaire n’a pas fait grand bruit. « Le POI n’exagère pas : c’étaient des nervis fascistes », assure pourtant un militant insoumis présent ce soir-là, inquiet de la multiplication de ces manifestations de plus en plus audacieuses. « Un jour ce sera très grave », avance sombrement Manuel Bompard, coordinateur national de LFI.

    Le matin même, Jean-Luc Mélenchon avait dû faire face à [un comité d’accueil du même acabit](https://twitter.com/BFMTV/status/1747913674713440650) à l’aéroport de Roissy (Val-d’Oise), organisé par « Nous vivrons » (qui se présente comme un « collectif citoyen d’action contre l’antisémitisme »). Lors d’une conférence de presse au siège de LFI, il ironisait alors sur le soulagement des journalistes à le voir indemne.

    Le triple candidat à la présidentielle est habitué à ce que ses activités politiques l’exposent à un risque de violence. Il a fait l’objet de deux projets d’attentat en 2017. Au procès de l’un de ses organisateurs d’extrême droite, en septembre 2021, il avait déclaré : « Dans ma vie de militant, il y a un avant et un après cette affaire. Un groupe de militants doit assurer ma protection. »

    Plus largement, LFI – comme d’autres partis et organisations de gauche – doit faire face ces dernières années à la recrudescence de groupuscules violents d’extrême droite. En décembre 2022, une réunion publique organisée par les députés LFI Carlos Martens Bilongo et Louis Boyard avait par exemple été attaquée par une vingtaine de personnes cagoulées et armées de barres de fer.

    **La mécanique de l’ostracisation**

    Mais, depuis le 7 octobre 2023, la haine à l’égard du mouvement insoumis a franchi un nouveau cap. L’absence du mot « terrorisme » pour condamner l’attaque du Hamas dans le premier communiqué du groupe parlementaire de LFI a servi de détonateur. Par la suite, la confrontation avec les « faucons » de la majorité, à contre-courant de la diplomatie française dans leur « soutien inconditionnel » à Israël, a tourné en faveur de ces derniers. Si [l’intervention de la secrétaire d’État Chrysoula Zacharopoulou](https://twitter.com/LCP/status/1765019944645783964) à l’Assemblée nationale le 5 mars, applaudie par LFI, a subrepticement fracturé la majorité, l’effet politique le plus saillant de ces six derniers mois est l’intégration du Rassemblement national (RN) à « l’arc républicain », alors que dans un même mouvement LFI en était exclue.

    es invectives de Meyer Habib à l’égard de Manuel Bompard avant qu’il ne [fasse une accolade à Jordan Bardella](https://twitter.com/antoine_marette/status/1755178397691445653), président du RN, lors de la cérémonie d’hommage aux victimes françaises du 7 octobre, sont symptomatiques.

    Isolés dans le champ politique, y compris à gauche, les Insoumis ne se sont pas prémunis de ce glissement, en enchaînant les formules taillées pour conforter l’image sulfureuse entretenue par leurs adversaires. La direction de LFI refuse toutefois d’admettre une part de responsabilité dans l’ostracisation du mouvement : pour Manuel Bompard, « n’importe quelle entité qui donne la parole à des voix de la paix est immédiatement ciblée », comme récemment Konbini, [dont le local a été vandalisé](https://www.liberation.fr/checknews/kolabo-que-sait-on-de-laction-menee-par-des-militants-pro-israeliens-sur-les-locaux-de-konbini-20240328_2JSZUPBKVJEEHOS2S7UGZAT43Q/?redirected=1).

    Pourtant, alors que le contexte inflammable autour de la guerre menée par Israël à Gaza ravivait le procès en antisémitisme qui pèse sur Jean-Luc Mélenchon depuis des années, celui-ci a multiplié les formules imprudentes sans jamais s’amender. Depuis, bien que certaines figures de LFI aient concédé des « maladresses » sur la qualification des massacres commis par le Hamas, et que les alertes du mouvement sur un risque de génocide à Gaza aient été confirmées pour la Cour internationale de justice (CIJ), la diabolisation a plongé le mouvement dans une ambiance de guerre froide, sur fond d’accusations orwelliennes.

    « On a imputé à LFI des positions qui ne sont pas réelles », assure Raquel Garrido, habituée des menaces depuis que le youtubeur d’extrême droite Papacito a simulé son exécution dans une vidéo. En janvier dernier, le militant d’extrême droite Damien Rieu a accusé sur X sa fille d’avoir proféré des propos antisémites, la conduisant à être placée en garde à vue – le parquet a [ouvert une enquête](https://www.liberation.fr/societe/police-justice/antisemitisme-la-fille-dalexis-corbiere-et-raquel-garrido-visee-par-une-enquete-20240117_HHB34ZCC2VBG7G5EI2ZXI5NC24/). « C’est particulièrement violent, mais on vit avec. C’est malheureusement le symptôme d’une époque belligène : à nous d’incarner la paix dans ce climat extrêmement conflictuel », juge-t-elle.

    **La légitimation de la violence**

    Cette ligne est cependant difficile à tenir dans une conjoncture où LFI est acculée, au point que des militants insoumis craignent l’effet de repli du mouvement sur le noyau dirigeant, comme un réflexe de citadelle assiégée. « Depuis le 7 octobre, il y a un torrent d’insultes et de menaces sur une dizaine de députés. Ce n’est pas une hausse, c’est une explosion », révèle l’avocat Mathieu Davy, qui défend certains d’entre eux depuis 2018, dont Jean-Luc Mélenchon.

    Les premiers concernés sont des personnalités insoumises très actives sur les réseaux sociaux – X au premier chef – pour alerter sur le risque de génocide à Gaza : Louis Boyard, Aymeric Caron, Éric Coquerel, David Guiraud, Rima Hassan, Danièle Obono, Mathilde Panot, Thomas Portes, Ersilia Soudais…

    Le bruit de fond médiatique entretenu par les médias du groupe Bolloré, générant une surenchère droitière d’autres médias audiovisuels, en est en partie responsable selon eux. Sur Radio J, le présentateur [Frédéric Haziza](https://www.arretsurimages.net/articles/frederic-haziza-le-journaliste-qui-adore-detester-lfi) n’a cessé ces derniers mois d’intimer à des politiques de reprendre à leur compte ses propres propos (voir [cette vidéo](https://twitter.com/CaronAymericoff/status/1769305127440003141) éloquente), accusant LFI de « multiplier les propos aux relents antisémites » ou encore demandant si Jean-Luc Mélenchon était « une ordure antisémite » (il a été assigné en justice pour cette raison). « C’est extrêmement éprouvant, car ce dont on nous accuse est le contraire de ce pourquoi on s’est engagés. On est dans une situation tellement scandaleuse qu’on en est à s’examiner soi-même, c’est kafkaïen », témoigne le député Aurélien Saintoul.

    Des élu·es macronistes déjà prompt·es à qualifier LFI d’« extrême gauche » ont sauté sur l’occasion de mettre définitivement le mouvement de gauche à la marge. La députée Caroline Yadan a par exemple [diffusé sur X](https://twitter.com/CarolineYADAN/status/1772729898974462457) un montage vidéo en qualifiant LFI de « premier parti antisémite de France ». Selon Manuel Bompard, LFI a déposé « 30 saisines à l’Arcom depuis le 7 octobre » pour des injures ou menaces, comme lorsque Enrico Macias [a déclaré](https://twitter.com/JLMelenchon/status/1711831083749134482) sur CNews qu’il fallait « dégommer », « peut-être même physiquement » LFI.

    Avec quelques mois de recul, Thomas Portes parle de « convergence » entre les propos de Renaissance et du RN, qui « légitiment le passage à l’action ». Celui-ci affirme recevoir des menaces « en continu » et se déplacer « rarement seul ». « On n’a pas eu d’élus agressés physiquement [depuis le 7 octobre 2023 – ndlr] mais on est sur une ligne de crête », explique-t-il. Même inquiétude du côté de l’avocat de LFI, Mathieu Davy : « Ces injures font monter une gangrène. On le voit à notre petit niveau sur les menaces de mort par messages privés, faux tracts ou courriers reçus à l’Assemblée… Aymeric Caron, c’est tous les jours. »

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