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**Vingt-cinq personnes ont péri en mer depuis le début de l’année, davantage qu’en 2023 et 2022.**
A Calais, ceux qui viennent en aide aux migrants disent souvent que la frontière franco-britannique tue. On pourrait préciser que, à mesure que les années passent, elle ne s’y emploie pas de la même manière. Longtemps, les migrants mouraient percutés par des voitures sur la voie rapide qui mène au port des ferrys ou en chutant des semi-remorques dans lesquels ils essayaient de se dissimuler. Depuis 2018, ils meurent de plus en plus souvent noyés dans le détroit du Pas-de-Calais. Et désormais, avant même d’atteindre le large, ils meurent piétinés par leurs compagnons d’infortune dans les embarcations pneumatiques surchargées à bord desquelles ils entreprennent la périlleuse traversée maritime.
Sara Alhashimi avait 7 ans ; Dina Al Shamari en avait 21. La première a été étouffée le 23 avril à quelques mètres de la plage de Wimereux (Pas-de-Calais). Dans des images filmées la nuit du drame par la chaîne anglaise BBC, on voit un groupe d’une centaine de personnes embarquer précipitamment dans un canot tandis que les forces de l’ordre essayent de les en empêcher à grand renfort de gaz lacrymogènes. On distingue la petite fille sur les épaules de son père parvenir à rejoindre l’embarcation et l’instant d’après disparaître pour ne jamais être revue vivante. C’était la quatrième fois que sa famille tentait la traversée. Quatre autres personnes sont mortes asphyxiées ce jour-là.
Dina, elle, est morte, sur un bateau dans la nuit du 27 au 28 juillet, aux côtés de ses deux sœurs cadettes, Nour et Fatima, de son petit frère, Abdallah, et de ses parents. C’était la cinquième tentative de traversée pour la famille. La mère, que Le Monde a rencontrée, se souvient que Dina est montée la première à bord du canot pneumatique, *« contente »*, pressée de toucher au but. Un groupe d’hommes a suivi. *« Les passeurs nous avaient dit qu’on serait soixante mais on était beaucoup plus »*, rapporte Amira Al Shamari.
**« Les gens se sont battus à bord »**
La masse des corps entassés a tué sa fille aînée en quelques instants furtifs. *« Sa sœur Nour criait “Ma sœur va mourir, sauvez-là ! Elle va s’étouffer ! Appelez les secours !” Certains disaient de ne rien faire, qu’on arriverait bientôt. Ils ont menacé de la jeter à l’eau. Les gens se sont battus à bord. Ça a duré une heure jusqu’à ce que les secours arrivent. »* Des migrants ont refusé les secours et continué leur route vers l’Angleterre, d’autres ont été débarqués à Wimereux, avec le corps inanimé de la jeune « bidoun », une minorité arabe sans papiers et apatride au Koweït.
Plus de 18 500 personnes ont déjà réussi à rejoindre le Royaume-Uni depuis le début de l’année, soit un rythme qui avoisine celui, inégalé, de 2022 (année au terme de laquelle près de 46 000 personnes ont gagné le Royaume-Uni). Dans le même temps, vingt-cinq personnes sont mortes en mer, davantage qu’en 2022 et 2023, années au cours desquelles, respectivement, cinq et douze personnes ont perdu la vie, selon la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord.
*« Depuis un an et notamment à la suite du renforcement des moyens policiers, nous assistons à une augmentation considérable des incidents mortels*, souligne Nikolaï Posner, de l’association d’aide aux migrants Utopia 56. *Alors que les autorités mènent une campagne de communication intitulée “#sauver des vies”, leur action à la frontière génère l’exact opposé. » « C’est trop pour que ça soit considéré comme des accidents »*, jugent à leur tour Alexia Douane et Louise Borel, de l’association Refugee Women’s Centre.
Le bilan humain s’alourdit aussi de décès intervenus en dehors des tentatives de traversées, comme celui d’un demandeur d’asile soudanais connu sous le nom de Nasreddine, en errance depuis plusieurs années sur le littoral, tombé dans un canal de Calais, le 2 août, dans des circonstances non éclaircies. Ou celui de Mohammed, un bébé de 11 mois atteint d’une grave maladie génétique, mort fin juillet dans le train qui le ramenait à Calais, sa famille voulant retenter la traversée. Ne sachant que faire, sa mère s’est rendue à l’accueil de jour du Secours catholique avec son enfant inanimé dans la poussette.
**« La police crève les bateaux »**
*« C’est difficile de trouver des mots nouveaux pour décrire une situation qui se répète sans créer de sursaut dans l’opinion publique »*, confie Juliette Delaplace, chargée de mission personnes exilées sur le littoral pour le Secours catholique. Sur les campements, certains ne semblent pas mesurer les risques encourus, à l’image de ces cinq jeunes Libyens croisés lors d’une distribution alimentaire, dont l’un, Abdelsalam (il n’a pas souhaité donner son nom, comme les personnes citées par leur prénom), 25 ans, assure que la traversée peut se faire en une ou deux heures, quand il faut en réalité cinq heures à un small boat – une embarcation de fortune –, en général doté d’un moteur de trente à quarante chevaux, pour atteindre la ligne de démarcation avec les eaux anglaises par temps calme.
Interrogées sur l’augmentation des traversées mortifères, ni la préfecture du Nord ni celle du Pas-de-Calais n’ont souhaité répondre au *Monde*, tandis que la préfecture maritime renvoie vers ses communiqués de presse.
Les raisons de cette létalité croissante semblent être multiples et partiellement intriquées. Les personnes sont de plus en plus nombreuses à bord des *small boats*. Au mois de juillet, les autorités ont décompté une moyenne d’environ soixante passagers par bateau – des canots de qualité médiocre mesurant en général huit mètres de long et moins de deux mètres de large – contre une quarantaine de personnes en 2023 et une trentaine en 2022, ce qui augmente les risques de naufrages ou d’asphyxie. Un phénomène que les autorités attribuent à la prise de risque croissante des passeurs.
*« De façon récente, on voit aussi des groupes d’Ethiopiens ou de Soudanais essayer de monter dans les bateaux au dernier moment car ils n’ont pas les moyens de payer la traversée, et cela crée des tensions »*, ajoute un policier sous le couvert de l’anonymat. *« Il y a aussi beaucoup de panique due à la présence accrue de la police sur les plages qui crève les bateaux et gaze les gens »*, soulignent Alexia Douane et Louise Borel.
Adel est un Yéménite de 27 ans. Depuis le début du mois d’août, il dort dans un campement isolé dans un petit bois proche des plages de Wimereux. Dans la nuit du 13 au 14 août, il se trouvait avec un groupe de près de soixante personnes et transportait un bateau sur la plage lorsque la police est intervenue. *« Ils ont essayé de crever le bateau, ils ont jeté des grenades lacrymogènes. Leur voiture a percuté le bateau. Ils ont même pointé le laser de leur arme sur nous, rapporte-t-il. C’était terrifiant. »*
Quelques observations perso :
> Plus de 18 500 personnes ont déjà réussi à rejoindre le Royaume-Uni depuis le début de l’année, soit un rythme qui avoisine celui, inégalé, de 2022 (année au terme de laquelle près de 46 000 personnes ont gagné le Royaume-Uni).
Je suis assez surpris que toutes les mesures policières et politiques (Brexit, plan Rwanda etc) prises par le Royaume-Uni n’ont servi à rien. Pendant que la migration via la Manche explose, on assiste à une baisse de la demande d’asile en France : Les Balkaniques, les Afghans, les Turcs ne viennent plus. Ils délaissent la France pour le Royaume-Uni. La France n’avait jamais été la première destination de demande d’asile (les destinations préférées ont toujours été soit l’Allemagne, soit la Suède, soit le Royaume-Uni) mais on était un “second choix” récurrent. Apparemment la France n’est même plus ça.
> Des migrants ont refusé les secours et continué leur route vers l’Angleterre, d’autres ont été débarqués à Wimereux, avec le corps inanimé de la jeune « bidoun », une minorité arabe sans papiers et apatride au Koweït.
Les bidoun du Koweït sont un excellent exemple de ça. Il y a quelques années, ils s’arrêtaient en France. Aujourd’hui, on n’en voit plus venir chez nous.
> Pour réunir les plus de 1 000 euros que coûte la traversée de la Manche, il a travaillé au noir plusieurs mois dans une cuisine à Athènes.
Il y a quatre ans, la traversée de la Manche coûtait 3000€ (comme la traversée de la Méditerrannée et de la mer Egée). Apparemment, les passeurs se sont convertis dans le passage de masse pour faire baisser les prix et entasser plus de monde dans les bateaux.
> Assise sur un lit d’hôpital de Boulogne-sur-Mer, cette Iranienne de 28 ans a elle aussi échoué à obtenir l’asile en Allemagne. Menacée d’expulsion vers l’Iran, elle a gagné la France où, du fait du règlement de Dublin, elle ne peut pas déposer une nouvelle demande.
C’est faux. Elle le croit peut-être mais c’est faux. Elle a le droit de faire une nouvelle demande en France mais personne ne semble être capable d’expliquer le règlement Dublin correctement aux demandeurs d’asile, alors ils se retrouvent à ne pas comprendre leurs droits. Ou alors, ce sont les passeurs qui lui ont expliqué qu’elle n’avait pas le droit de faire une demande d’asile en France, pour pouvoir l’inciter à payer pour un passage de la Manche ?
> « Sur les plages, c’est très dur. Ça devient “Le Radeau de la Méduse”, déplore Claire Millot de l’association Salam, qui distribue des repas aux migrants. Si on ne veut pas qu’ils partent en canot, qu’on les accueille ou qu’on leur donne des vrais bateaux.
C’est bien sûr impossible, légalement, d’aider les gens à faire la traversée. Reconstruire des camps comme Sangatte ou Grande-Synthe serait un début, mais quand on voit ce qui est arrivé à Grande-Synthe, on peut se dire que c’est politiquement compliqué.
Merci pour l’article.
Je me dis que c’est peut-être ridicule vu les problèmes auxquelles iels font face mais j’aimerais bien proposer des massages gratuits pour les personnes migrantes. Je pense me rapprocher d’utopia à la rentrée